03 mai 2006

Le temps des utopies (1)


La lecture de « l’ Histoire de l’utopie planétaire » d’Armand Mattelart (La Découverte ) (sous titré « de la cité prophétique à la société globale ») souligne, en creux, la pauvreté des débats actuels liés à la mondialisation et à l’inverse le foisonnement des idées suscité jusqu’à la fin du 19ème siècle par la globalisation du monde.

Ce foisonnement est d’autant plus impressionnant que la « globalisation » que le monde a connu aux 18ème et 19ème siècles relevait beaucoup plus d’une anticipation que de la réalité comparée à la mondialisation d’aujourd’hui.

Il est enfin impressionnant que les penseurs, philosophes, économistes, publicistes, juristes et joyeux farfelus qui nourrissent ce foisonnement abordent l’ensemble des termes du débat avec une allégresse qui tranche avec notre dépressive appréhension de la mondialisation.

Certes, la démocratie, les techniques, l'information ont transformé les confidentiels débats d'alors qui n'intéressaient que quelques uns, et d'abord ceux qui savaient lire, en un forum où chacun a aujourd'hui voix au chapitre.

Les canuts lyonnais, si leur voix s'étaient mélés à l'allègre débat d'antan, auraient, peut-être, modéré cette impression d'allégresse.

Mais il est plutôt probable que, aurait-elle eu voix au chapitre, la grande majorité des français d'alors n'aurait pas envisagé tout ce qu'elle avait à perdre à ce que l'horizon de son univers s'étende au delà de son champ et de son clocher. Elle n'avait rien à perdre d'autre que la certitude des famines à venir.


(à suivre)

13 décembre 2005

Les nouveaux réactionnaires (suite)

orages désirés ?
orages désirés ?,
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La nouvelle réaction (suite)

Avec une désarmante sincérité « le Nouvel Obs » découvre, grâce à un sondage, que la Gauche ne sait plus très bien où elle est.
C’est le moins que l’on puisse dire en effet mais il est douteux que les éditorialistes de ce journal l’y aident beaucoup en lui donnant comme modèle idéologique la prose très mesurée de Jacques Julliard.
Ceux qui, il y a peu, écoutaient le débat hebdomadaire sur LCI censé opposer la droite (Imbert du « Point ») à la gauche (Julliard du « Nouvel Obs ») s’abîmaient dans d’infinies expectatives pour arriver à différencier les deux discours.
Si bien qu’à y réfléchir on se demande si, pour le Nouvel Obs, ce qui caractérise la femme et l’homme de gauche n’est pas essentiellement son abonnement au Nouvel Obs.

Au risque de me répéter, ce constat amer ne sous-entend nullement ni la nostalgie des coups de gueules de M.Marchais, ni le regret du Grand soir, ni l’espoir d’une guerre civile.
Il ne méconnaît pas les changements du monde, il n’ignore surtout pas que la mondialisation est une réalité incontournable qui bouleverse l’économie du monde et par conséquent la nôtre.
Il ne s’agit pas de regretter les vieilles lunes, il ne s ‘agit pas de s’apitoyer sur soi-même, ni de refuser le monde nouveau issu, non du cerveau de méchants spéculateurs, mais du développement des techniques, des transports et de l’informatique.
A cet égard si la gauche ne sait plus trop bien où elle en est c’est parce qu’elle n’a pas trouvé les mots, d’abord les mots, qui réconcilieraient modernité et protection sociale, mondialisation et Etat Providence.
D’abord les mots parce qu’il y a dans notre pays où l’on colloque à l’infini des potentialités considérables d’idées, de réflexions, que la Gauche semble incapable de porter auto coincée qu’elle est entre le « faut pas rêver » et le « modèle social ».
Il n’est pas interdit de rêver et notre « modèle social » n’est ni social avec 10% de chômage ni un modèle puisque personne n’en veut.
Depuis quelques années tout semble relever d’une conception moralisatrice, précautionneuse et subie du Monde.
Nous subissons l’immigration, l’Europe, la Mondialisation comme autant de cataclysmes imposés par de mystérieux pouvoirs occultes.
Des conceptions binaires se superposent les unes aux autres.
Au bénéfice-préjudice qui règle la vie juridique puis la vie tout court par l’intermédiaire de l’indemnisation potentielle des victimes généralisées que nous sommes s’ajoute le gentil-méchant.
Un monde divisé entre bourreaux et victimes d’un côté, et gentils et méchants de l’autre, est assez pratique, il faut le reconnaître, même s’il a l’inconvénient majeur d’être une forme remarquable d’absence totale de pensée.
Il est en effet difficile de prendre pour une pensée le discours gnangnan ou vindicatif selon le cas de la repentance, pas plus que ne constitue le commencement d’une idée le discours de la fierté d’être ou d’avoir été, ceci ou cela.
La France du XXIe siècle se trouve soudain peuplée de victimes de l’esclavagisme d’un côté et de groupies de la colonisation de l’autre ; et avec ça il faut assumer la mondialisation !
Nous entrons dans un siècle nouveau en freinant des quatre fers devant la réalité de la mondialisation et en nous encombrant d’une mémoire expiatrice dont la raison d’être n’est pas la connaissance lucide mais la culpabilité rédemptrice à usage intéressé et non-pédagogique.
Il n’est pas sérieux de prétendre que l’école a pour mission de victimiser chacun et chacune et le statut de victime ne présente pas le moindre intérêt à l’exception, notable, de l’éventuel intérêt financier.
On se demande quel intérêt pourrait avoir un débat opposant descendants des victimes de l’esclavagisme, de la boucherie de 14-18, de la Shoah, de la colonisation, des guerres de religion et de la conquête romaine, sinon, peut-être, un succès d’audience sur TF1.

(à suivre)

10 décembre 2005

Les nouveaux réactionnaires

toits intranquilles à clichy
toits intranquilles à clichy,
originally uploaded by choudoudou.
LA NOUVELLE REACTION



La simplification qu’impose l’expression claire d’une problématique ou d’un débat court toujours le risque du simplisme et par conséquent de l’erreur.
Il en va ainsi de ces nouveaux réactionnaires que la Presse découvre depuis quelques jours amalgamant sous cette expression pratique des discours en réalité différents qui vont de la nostalgie au repli sur soi, de la peur à la colère, du refus à la révolte.

La génération du baby boom arrive à 60 ans, un âge où l’on se retourne volontiers et où enfance et adolescence se parent souvent des traits nostalgiques d’une jeunesse envolée.
Ce n’est pas un phénomène nouveau mais il peut s’exprimer certainement plus ouvertement pour la période comprise entre 1950 et 1980 que pour la période 1914-1950 où le discours nostalgique se trouvait refoulé d’office par les drames de l’histoire.
La constatation assez banale que les temps changent et qu’avant « c’était pas la même chose » ne mériterait pas de longs et savants commentaires si ne s ‘exprimait en réalité autre chose justement : les temps changent mais dans le mauvais sens et avant c’était mieux.
Or loin d’être réactionnaires et de ne plus croire au progrès certains constatent que c’est la société qui devient réactionnaire et que l’évolution du monde s’apparente à une marche en arrière et non à une marche en avant.
On peut certes en discuter mais ce n’est ni par nostalgie de l’odeur de l’encre violette ni par un soudain retour d’affection pour Maurice Thorez que certains s’inquiètent de la privatisation larvée d’EDF, de la disparition du contrat de travail, de la victimisation généralisée, du retour de la religiosité ou de l’apprentissage à 14 ans.
On ne pleure ni la marine à voile ni la lampe à huile, mais, au contraire, on craint le retour à la lampe à huile et à la marine à voile.
À l’évidence, comme tout est toujours compliqué, le sentiment d’un grand retour en arrière, peut se traduire par une peur du présent et de l’avenir.
Cette crainte engendre, c’est vrai, la tentation nostalgique et absurde de l’embellissement du passé : certains s’amourachent d’un « modèle social français » jusque-là méconnu, d’autres s’arc-boutent sur une intégration à la française dont les résultats sont, au moins, contrastés, d’autres encore idéalisent les fraternités ouvrières qui pourtant naissaient dans la misère et l’exploitation.
De l’autre coté les abus de langage ne manquent pas, les amalgames entre Libéralisme économique et Liberté, Réforme et avancées sociales, Progrès et Futur, déréglementation et Mondialisation, ouverture des marchés et ouverture au monde, droit de vendre et droits des peuples, renversent malicieusement le sens des mots et aident à caricaturer facilement ceux qui ne se satisfont pas de l’état des choses.

Certains, sans doute, s’acharnent à recenser tout ce qui ne va plus et était supposé aller auparavant avec une nostalgie qui n’est que du passéisme, à l’inverse d’autres profitent de la disparition des idéologies de rupture pour tenter de mettre à bas les principes fondateurs et fondamentaux de la République.

Aux uns, on peut répondre qu’il est vain de constater en pleurnichant que l’on volait peu de téléphones portables dans les banlieues au 19è siècle.
Aux autres que ce n’est pas parce que le communisme s’est effondré d’abord dans la dictature puis dans le néant que l’aspiration à l’égalité et à la fraternité est devenue ringarde.

Cette tendance à ringardiser le discours volontariste est profondément malsaine.
Du haut d’on ne sait quelle hauteur, en vertu d’on ne sait quelle compétence, une classe politico médiatique décerne ses bons et mauvais points au nom du réalisme et de la modernité et parfois, ce qui est un comble, au nom du socialisme. A ce dernier égard, la lecture du Nouvel Obs est une source inépuisable d’absurdités péremptoires dont le point commun est d’inviter fortement le Parti Socialiste à oublier le socialisme.
Ce serait un point de vue parfaitement défendable s’il était clairement et honnêtement énoncé, pourquoi ne pas rêver, en effet, au nom du réalisme, à un bipartisme à l’Américaine où alterneraient sans grands dommages pour l’activité financière des gros, moyens et petits porteurs, des libéraux excités et des libéraux raisonnables.
Il n’y a rien de déshonorant à penser ainsi, il est en revanche insolite de le faire au nom du socialisme même.
A vouloir démontrer à longueur de colonnes que les seuls socialistes réalistes, raisonnables et compétents sont ceux qui ne le sont plus, on ne facilite pas le débat démocratique qui suppose clivage et affrontement des idées, on le noie.
Au lieu de traiter d’imbéciles ceux qui ne s’enthousiasment pas pour les actions d’EdF, ceux qui ne pensent pas que le retour au privé du système de distribution électrique constitue un progrès, il serait plus judicieux de leur expliquer en quoi, en fonction même des grands idéaux de la gauche que l’on prétend défendre, ils se trompent et pourquoi le passage d’un actionnaire unique, l’Etat c’est à dire la Nation entière, à une multitude d’actionnaires privés, constituerait une grande avancée sociale et démocratique, bref pourquoi il est mieux que ce qui était à tous appartienne soudainement à quelques uns.

(à suivre...)

ABOLITION

Il est urgent d'abolir l'article 4 de la loi de février 2005.
Il est tout aussi urgent que nos députés n'utilisent pas la loi pour tout et n'importe quoi